L’île Mbanié . Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent
À l’issue d’un arrêt longuement motivé, la Cour internationale de Justice (CIJ) a reconnu la souveraineté de la Guinée équatoriale sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga, situées dans la baie de Corisco. Ce revers diplomatique, auquel le Gabon se résout en silence, est un camouflet personnel pour Brice Oligui Nguema, dont l’administration s’est montrée incapable d’élaborer une stratégie juridique cohérente pour défendre le territoire national.
La décision rendue par la CIJ ne surprend (…)
La décision rendue par la CIJ ne surprend guère les observateurs avertis. Elle découle d’un déséquilibre criant entre les deux stratégies étatiques. D’un côté, la Guinée équatoriale a produit des titres historiques solides, s’appuyant sur l’administration continue de l’Espagne sur l’île Corisco et ses dépendances (dont Mbanié), sans contestation de la France à l’époque coloniale, ni du Gabon à l’indépendance. De l’autre, le Gabon a bâti toute sa position sur un texte incertain : la fameuse "convention de Bata" de 1974, que la Cour a sèchement rejetée, en soulignant l’absence d’intention juridique contraignante, son manque d’application, et l’indifférence diplomatique qui l’a suivie.
Une équipe gabonaise clairement pas à la hauteur
Le jugement donne aussi à voir un choc de structures juridiques. La délégation gabonaise, s’est révélée hétérogène, dispersée, et sans véritable ligne directrice avec même des participants qui prêtent à sourire. Le recours tardif à la « convention de Bata » comme pilier unique de la défense, et le refus de produire d’autres preuves d’administration effective ou d’actes officiels de souveraineté, ont fragilisé leur position.
Le jugement donne aussi à voir un choc de structures juridiques. La délégation gabonaise, s’est révélée hétérogène, dispersée, et sans véritable ligne directrice avec même des participants qui prêtent à sourire.
Brice Oligui Nguema, qui avait placé plusieurs proches dans cette délégation a ainsi lié son sort à un plaidoyer juridiquement hasardeux. À vouloir faire de Mbanié un symbole d’affirmation nationale, il récolte une humiliation institutionnelle devant le droit international.
Face à eux, une machine équato-guinéenne bien huilée
À l’opposé, la délégation équato-guinéenne, emmenée par le ministre Domingo Mba Esono et appuyée par un arsenal d’experts internationaux du cabinet Foley Hoag LLP— parmi lesquels Pierre d’Argent, Philippe Sands (sans doute le plus redoutable expert de la délégation de la Guinée équatorialeet de très loin) , Dapo Akande, Paul Reichler ou Alison Macdonald — a livré une démonstration redoutable. L’argumentaire était clair : titre historique clair + succession d’États + absence de contestation française ou gabonaise + comportement administratif constant.
À l’opposé, la délégation équato-guinéenne, emmenée par le ministre Domingo Mba Esono et appuyée par un arsenal d’experts internationaux du cabinet Foley Hoag LLP— parmi lesquels Pierre d’Argent, Philippe Sands
Ce professionnalisme méthodique tranche radicalement avec le juridisme approximatif de Libreville, et illustre combien la stratégie contentieuse d’un État repose sur la préparation technique, et non sur le vernis politique.}
Brice Oligui Nguema désavoué sur la scène internationale
En août 2023, Brice Oligui Nguema avait justifié sa prise de pouvoir au nom d’une « restauration des institutions » et de la « souveraineté nationale ». Son silence après le verdict de la CIJ, réduit à un simple « acte pris en compte », trahit l’embarras. Car ce revers n’est pas que symbolique. Il est juridiquement définitif, politiquement gênant, et diplomatiquement déstabilisant.
Le général-président, qui a multiplié les déplacements à l’étranger (plus de 30 missions en 18 mois), peine désormais à convaincre que son magistère - aux origines pour le moins contestables - s’inscrit dans une réhabilitation du Gabon sur la scène internationale. L’affaire Mbanié révèle une réalité plus crue : la transition militaire n’a pas corrigé les insuffisances de la précédente présidence, elle les a prolongé dans la "Ve République" (sic) .
Un échec structurel avant tout
Ce jugement n’est pas uniquement une défaite dans un contentieux bilatéral. Il est le symptôme d’un effondrement plus large de la capacité de l’État gabonais à penser, construire et défendre sa souveraineté de manière rationnelle et anticipée. Les nouvelles autorités n’ont pas inscrits Mbanié dans une politique cohérente : ni plan d’aménagement, ni base légale interne, ni cartographie officielle, ni reconnaissance internationale.
Le recours au droit international n’est efficace que lorsqu’il vient prolonger un fait souverain, non le remplacer.
Ce jugement n’est pas uniquement une défaite dans un contentieux bilatéral. Il est le symptôme d’un effondrement plus large de la capacité de l’État gabonais à penser, construire et défendre sa souveraineté de manière rationnelle et anticipée.
La CIJ a montré une fois encore que les différends territoriaux africains peuvent se régler dans le cadre du droit. Mais ce précédent montre aussi que tous les États africains ne s’y présentent pas à armes égales. Il faut des archives, des diplomates aguerris, des juristes chevronnés, des fonds, une mémoire étatique.
La Guinée équatoriale l’a compris, le Gabon non.