Derniers Remparts de Franck Biziki Onyema. Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent
Je viens de finir Les Derniers Remparts de Franck Onyema connu sur la toile sous le nom de Franck Biziki. Et ce que je ressens dépasse largement l’appréciation littéraire. Ce roman m’a bousculé. Pas parce qu’il est parfait — aucun livre ne l’est — mais parce qu’il m’a parlé à l’endroit le plus sensible : là où naît la volonté de ne plus se taire.
Issa Ndong n’est pas un personnage, c’est un frère. Un jeune Gabonais qui aurait pu céder au découragement, au repli, au silence. Mais il (…)
Issa Ndong n’est pas un personnage, c’est un frère. Un jeune Gabonais qui aurait pu céder au découragement, au repli, au silence. Mais il choisit une autre voie : celle du combat lucide, du refus calme mais têtu. Il ne veut pas juste dénoncer, il veut proposer, bâtir, mobiliser.
Face aux premières menaces, il répond simplement :
« Si nous provoquons une telle réaction, c’est que nous sommes sur la bonne voie. »
Cette phrase, prononcée sans éclat, en dit long sur sa force intérieure. C’est ce mélange de lucidité et de courage tranquille qui m’a profondément touché.
La politique à hauteur d’homme
« Les vraies décisions ne se prennent pas dans les débats publics, ni même dans les ministères… »
Ce roman est politique, oui, mais dans le meilleur sens du terme. Pas celui des petites manoeuvres et des compromis fades. Non, ici, la politique redevient ce qu’elle aurait toujours dû être : une question de destin collectif.
Lorsque Issa est convoqué dans les arcanes du pouvoir, on lui dit froidement :
« Les vraies décisions ne se prennent pas dans les débats publics, ni même dans les ministères… »
Et lui, face à cette tentative d’intimidation, ne baisse pas les yeux. Il observe, il comprend. Il encaisse sans renoncer. Il incarne cette génération qui veut bien dialoguer, mais pas se vendre. Il rappelle que l’engagement est un acte de présence, pas de soumission.
Une parole de veilleur
« On ne peut pas simplement frapper à leur porte et espérer qu’ils nous ouvrent. Il faut créer du bruit. »
Ce que j’ai aimé — profondément —, c’est que le livre ne cherche jamais à plaire. Il parle, c’est tout. Il dit ce qui doit être dit. Il réveille, il éclaire, il dérange parfois. Mais surtout, il refuse de désespérer.
Issa ne se bat pas pour être vu. Il se bat parce qu’il ne peut plus faire autrement. Il le dit, un jour, les mains vides et la voix pleine :
« On ne peut pas simplement frapper à leur porte et espérer qu’ils nous ouvrent. Il faut créer du bruit. »
Ce bruit, ce tumulte nécessaire, Franck Onyema - ou Franck Biziki - le traduit en mots, en actes, en scènes vibrantes. Et nous, lecteurs, on est pris dans ce mouvement. On ne peut pas refermer le livre sans se demander ce qu’on fait, nous aussi, de notre silence.
Et si ce roman devenait un outil ?
Je crois que ce livre n’est pas juste fait pour être lu. Il est fait pour être partagé, débattu, transmis. Il peut devenir un support de discussion dans les universités, dans les cafés citoyens, dans les cercles où l’on rêve encore un peu de justice.
Parce qu’il pose des questions vitales : « Comment construire sans trahir ? Comment résister sans se brûler ? Comment changer sans être avalé ? »
Dans une scène marquante, un mentor politique dit à Issa :
« Le changement ne vient jamais d’une seule force. Il vient d’alliances. »
Mais quelles alliances, à quel prix, et avec qui ? Voilà les vraies questions. Et Franck Onyema ne les élude pas.
Pour conclure… ou plutôt pour commencer
« Vous n’héritez pas du monde, vous le créez avec votre conviction. »
Ce roman n’apporte pas de réponse toute faite. Il fait mieux : il ouvre des chemins. Et parfois, un livre suffit à relancer un élan. Les Derniers Remparts est de ceux-là. Il ne vous flattera pas. Il vous demandera des comptes. Mais si vous acceptez de le lire avec le coeur autant qu’avec la tête, alors peut-être qu’il vous aidera à tracer votre propre ligne de front.
Comme le dit Issa, dans l’un des plus beaux passages du roman :
« Vous n’héritez pas du monde, vous le créez avec votre conviction. »
Et après une telle lecture, on n’a plus vraiment d’excuse pour rester assis.
Les Derniers Remparts est disponible sur Amazon au prix de 21 euros.